Voyageurs autonomes
Plusieurs de mes amis m’ont déjà dit :
- Moi je ne serais pas capable de voyager comme toi.
Mais connaissent-ils ma façon de voyager? Je me définis comme un voyageur autonome, je suis un VA. En gros ça veut dire que j’organise tout mon voyage moi-même à partir de l’achat des billets d’avion ou d’autobus jusqu’à la recherche des hôtels, des restaurants et des activités diverses. Pour vous faire saisir cette façon de voyager, je vais vous décrire une dizaine de jours de voyage dans la région de Matagalpa, la région du café au Nord du Nicaragua.
12 déc. 2010 En arrivant dans la région de Matagalpa dans un autobus bondé où Diane et moi sommes comme d’habitude à peu près les seuls touristes, à la vue de tout ce café séchant au soleil le long de la route sur de kilomètres de long, nous avons décidé d’explorer plus à fond cet aspect de l’économie du pays. À la lecture de mes guides de voyage, j’ai déjà identifié un ou deux hôtels pour notre coucher. À notre arrivée dans une nouvelle ville, nous ne sommes pas difficiles, nous prenons celui qui répond à nos exigences de base : lit confortable et chambre de bain privé.
Nous avons juste le temps de nous installer et Diane me crie :
-Adrien, viens voir ça.
Je cours sur le balcon et nous avons la chance d’assister à un magnifique spectacle : une procession monstre en l’honneur de l’Immaculée Conception. C’est vraiment très impressionnant de voir tout ce monde qui chante à tue-tête en suivant une statue de la Vierge.
13 déc. Le lendemain de notre arrivée, nous visitons les hôtels du coin tout en nous acclimatant à l’atmosphère de la ville. Celui que nous avons choisi hier ne répond pas à nos exigences secondaires : air climatisé et cuisine communautaire. Étant donné que nous voulons passer une bonne semaine ici, nous en cherchons un autre. Nous déménageons dans un guesthouse tout neuf et super propre.
Comme premier pas dans le domaine du café, nous allons visiter le musée du café. Nous allons ensuite à l’information touristique. On nous informe qu’il y a à San Ramon une coopérative qui gère plusieurs communautés qui vivent de la production du café. On nous présente de la documentation sur 4 de ces communautés qui peuvent héberger des touristes et qui ont des services de guides pour accompagner les visiteurs. En fait, c’est de l’écotourisme. Très intéressant, étant donné notre coté écolo et notre façon de voyager à travers le peuple. Mais on ne peut pas nous donner l'information écrite car il n’y a qu’une seule photocopie sur des feuilles aux coins tout arrondis. Je lui demande de me passer la copie, je vais la faire photocopier à deux coins de rue de là et je reviens lui porter l’original.
14 déc. Longue et magnifique marche dans les montagnes qui entourent la ville.
15 déc. On décide de faire une exploration préparatoire dans le village de San Ramon. On serpente à pied les rues poussiéreuses de Matagalpa et on se rend au terminus près du marché municipal. On trouve notre bus et on monte à San Ramon en serpentant à travers les montagnes. On débarque aux abords du village de San Ramon. On pratique notre espagnol tout en s’informant pour trouver l’UCA, l’Union des Coopératives Agricoles. On y trouve un guide qui nous dit qu’on peut aller visiter une communauté productrice de café à 3 km du village. Il nous indique le chemin et on part. On y est accueilli par un jeune guide du village qui parle un espagnol très facile à comprendre. Il a reçu une formation spécialisée et il sait qu’il faut parler clairement et lentement. Il nous montre le gite qui nous laisse une drôle d’impression : une bâtisse presque neuve, 4 chambres sur 2 étages mais ça a l’air abandonné et poussiéreux. Il nous dit aussi qu’on peut aussi héberger dans les familles et il nous montre une cabane à deux lits avec moustiquaire car le haut des murs est ouvert à la circulation des insectes. La madame nous semble aussi très gentille; c’est elle qui préparerait nos repas. Le guide nous montre aussi un certificat officiel de salubrité affiché sur le mur. On peut faire confiance malgré la poussière et les moustiques.
On revient à San Ramon et on cherche un hôtel dans l’intention de passer plusieurs jours au village et de visiter plusieurs de ces communauté tout en explorant les diverses opérations du café, de la cueillette à l’expédition. Au premier hôtel que nous visitons, nous discutons avec un employé qui est aussi guide. Tout en parlant de son village, il nous avertit de ne pas aller seuls pour visiter la chute parce qu’il y a eu des touristes qui ont déjà été attaqués par des voleurs. On enregistre très sérieusement l’information. Nous dînons là et on rencontre le propriétaire, un émigré salvadorien qui a travaillé Montréal comme ingénieur civil. Il y a rencontré son épouse et ils ont vécu 11 ans ensemble au Québec. Ils sont très gentils et très accueillants.
On va visiter un deuxième hôtel, El Sueno de la Campana, une fondation qui héberge des touristes et des bénévoles qui aident les jeunes et les femmes de la région. On va les visiter car au premier abord, on préfère donner notre argent aux œuvres sociales plutôt qu’aux riches commerçants. On arrive donc dans un hôtel de luxe où on reçoit un accueil plutôt froid. On se demande si cette fondation commence d’abord par se préoccuper de son propre confort de luxe avant d’utiliser les fonds pour aider le peuple. Pourquoi pas? « Aide-toi et le ciel t’aidera ; tu aideras les autres ensuite.» Il y a une atmosphère qui ne nous plaît pas. On retourne donc au premier hôtel et on prend une réservation pour quelques jours plus tard.
En face de l’hôtel, près du parc central, on remarque une grande banderole qui dit : « Non à la violence faite aux femmes, pas de coups, pas de cris, pas d’injures ». On remarque aussi que les gens ont un drôle d’air, ils nous regardent sans nous saluer ou ils font semblant de ne pas nous avoir vus malgré que nous sommes très évidents; nous sommes à peu près les seuls touristes.
Avec l’intention de revenir dans quelques jours faire de l’écotourisme dans les communautés, nous retournons à notre hôtel à Matagalpa.
16 déc. Nous prenons un bus pour aller visiter Selva Negra, une ferme productrice de café qui accueille aussi des touristes. A notre arrivée, nous apercevons plusieurs autobus qui transportent de groupes en voyages organisés. Nous allons prendre une marche dans la forêt humide à travers de magnifiques arbres. Au retour nous prenons notre diner à travers les groupes de jeunes Américains qui mangent des hamburgers avec des frites. Nous avions l’intention de vernir loger dans cette ferme pendant quelques jours pour approfondir le monde du café mais ça nous apparaît davantage comme le monde des groupes touristiques. Notre choix se confirme, nous irons à San Ramon qui nous est apparu beaucoup plus authentique. Le soir à Matagalpa, concert de Noël au centre culturel en plein air.
17 déc. Belle marche de 5.30 h. au Cerro Apante à travers les fermes et les plantations de café. Autre concert au centre ville le soir.
18 déc. Journée plus facile. Nous visitons El Castillo del Chocolate et nous faisons une bonne provision de l’excellent chocolat noir de la région. Concert de musique moderne, toujours gratuit au centre culturel.
19 déc. Une marche de 4.30 h. en campagne montagneuse. Le soir nous rencontrons un couple très charmant qui loge au même hôtel que nous: un Finlandais marié à une Nicaraguayenne. Elle fait du travail communautaire auprès des femmes. Nous décidons d’aller souper ensemble et nous y allons avec l’auto de l’organisme communautaire : un gros 4X4 neuf. Elle voyage avec son mari, toutes dépenses payées pour aller faire une conférence le lendemain à un groupe de femmes. « Aide-toi et le ciel t’aidera; tu aideras les autres ensuite ». Nous avons eu en soupant de belles et intéressantes discussions en espagnol bien sûr. Elle nous informe que, surtout en campagne, les femmes sont souvent victimes de violence et maintenues dans un état d’infériorité dans le couple.
20 déc. Nous retournons à San Ramon dans l’intention d’y passer quelques jours en vivant dans différentes communautés pour connaître la culture du café. On s’installe à l’hôtel du Salvadorien et on à une belle occasion de discuter avec la propriétaire. Elle nous avertit de ne pas aller seuls dans le quartier ouest ou dans les chemins de campagne. Il y a des voleurs qui attaquent les touristes avec couteaux pour leur faire les poches. On lui dit que lors de notre premier séjour, nous avons fait 3 kilomètres en campagne pour visiter une communauté et elle a l’air surpris que rien ne nous soit arrivé. Elle ajoute que si les gens avaient su qu’on allait de ce coté, ils se seraient organisés pour aller nous y attendre pour nous voler. Il y aurait dans le quartier ouest beaucoup d’émigrés travaillant dans les fermes à café et ce sont souvent des voleurs sans conscience morale. On s’installe dans une belle grande chambre de l’hôtel et on va faire un tour au village pour préparer nos visites dans la région.
Il faut d'abord trouver la coopérative, l'UCA. Un "gentil" monsieur ivre veut nous aider. On lui demande où est UCA et il nous conduit à un magasin de légume car il a compris Yucca et c’est un légume. Il s'acharne à nous aider mais on réussit poliment à s’en débarrasser.
On finit par trouver l'Union des Coopérative Agricole. Là, on nous offre une journée de visite dans une ferme située à 12 km . Notre intention : aller à pieds, coucher là-bas, visiter le lendemain, coucher encore et revenir au village à pied. Nous voulions visiter comme ça 2 ou 3 communautés. Ce qu’il nous offre : faire venir un taxi de la ville, engagé un guide pour une journée de visite et revenir avec le taxi. Étant donné ce que la propriétaire de l’hôtel nous avait dit, on accepte mais nous sommes un peu déçus car ce n’est pas du tout ce que nous voulions.
Pour passer le reste de la journée on se promène dans le village. Les gens on l'allure louche. Il nous regardent d’un drôle d'air. On passe à travers un parc et on voit un groupe de jeunes adultes qui fument leur joint...
Tout en circulant dans les rues en évitant le quartier non recommandé on visite un gite chez l’habitant. La femme a l’air très gentil. Elle nous offre la chambre sans porte de son fils avec la cambre de bain familiale pour nos besoins personnels; vraiment très primitif. Elle nous dit qu'il y a plusieurs maisons comme ça dans le village. Nous trouvons cela intéressant, mais ils ont du chemin à faire pour développer ce genre de tourisme.
Notre première nuit à l'hôtel fut très décevante. La musique dans le bar en dessous de notre chambre était très forte. Il était minuit et ça chantait et criait encore. Diane a osé se lever pour aller à la réception leur rappeler qu'ils nous avait dit que ça finissait à 10h.
Finalement, avec l'allure louche du monde et la mauvaise impression générale, le lendemain on annule nos réservations sauf le taxi qu'on utilise pour retourner à Matagalpa. Le chauffeur nous dit que les gens de ce village sont "feo". J'ai cherché la signification; ça veut dire "laids". Je pense que c'est dans tout les sens du terme.
On s'oriente ailleurs et le voyage continue. Quand on se sent bien on y reste plus longtemps, sinon on va ailleurs.
On s'oriente ailleurs et le voyage continue. Quand on se sent bien on y reste plus longtemps, sinon on va ailleurs.